mardi 25 février 2014

De grands espoirs pour le financement participatif

Comme beaucoup d'innovations de l'internet, le financement participatif est un retour vers des pratiques bien anciennes, celles où l'on se débrouillait sans banques dans des groupes sociaux limités aux cercles que les moyens d'échange de l'époque nous permettaient de connaitre (les tontintes par exemple). Le qualificatif d'innovant n'est ni dans le processus, ni dans la technologie, mais dans l'échelle massive à laquelle ce processus s'effectue.

La transparence qu'induit la fluidité des échanges dans monde numérique permet d'évoluer dans une bulle de confiance gigantesque, où 10 000 personnes peuvent prêter 20 euros à 1 000 autres personnes avec un coût de transaction minime. Le succès de ces plate-formes résidant dans la taille de cette bulle de confiance qu'elles créent, c'est par construction qu'elles sont vouées à une certaine hégémonie.
Emprunt Russe de 200 roubles - 1898
Mais le financement participatif n'est pas une innovation comme les autres : c'est une clef de voûte sur laquelle beaucoup d'autres innovations vont pouvoir s'appuyer pour se développer. Et c'est en cela qu'elle mérite une attention toute particulière. Elle influence les projets qu'elle touche en leur offrant de l'ouverture et de l'efficacité, en plus du financement et de l'accompagnement que les banques traditionnelles ne sont pas à même de fournir.

De l'ouverture car pour crowdfunder son projet, il faut en parler sur la place publique. J'ai bon espoir que cela mettra rapidement un terme à ces attitudes que j'observe malheureusement encore trop souvent de la part de personnes qui croient encore que leur idée est un secret, qu'il faut vivre caché pour réussir. Oussama le dit si bien : les idées c'est comme les selfies, c'est juste bon pour l'ego. Mais surtout, cette ouverture va forcer les entrepreneurs à voir grand très vite, à penser monde et non France. Et penser monde, ce n'est pas seulement arrêter de gémir sur la fiscalité locale mais aussi, en regardant loin, garder le focus sur les plus gros enjeux de notre siècle et rester à la pointe de l'état de l'art.

De l'efficacité économique ensuite car une campagne de financement, c'est aussi une façon de rencontrer son marché, de vendre, de se faire connaître, de développer son produit, de recruter même. Le branding, la vente, le marketing produit, même un peu de RH, en plus du financement ! Ismael Ghalimi est un modèle du genre, qui n'avait pas besoin de financement mais qui a quand même mené une campagne de crowdfunding afin de recruter ses beta testeurs pour son projet STOIC. En fait, une campagne sur Kisskissbankbank, on y récolte de l'argent mais aussi de l'information sur la qualité son produit, de la confiance et des sentiments de son marché. Ces autres échanges sont en général passés sous silence dans les média qui n'ont d'yeux que pour le mécanisme financier ; pourtant c'est bien eux qui font la différence entre emprunter à une banque et emprunter à la multitude. Cette efficacité économique, c'est une chance pour nous qui ne disposons pas des moyens financiers des américains pour financer le "grand gaspillage" auquel sont confrontés les nations à la frontière de l'innovation. En étant un pays pionnier du financement participatif, la France pourra peut-être s'en sortir et rester un pays à la pointe tout en se contentant d'un "moyen gaspillage de l'innovation" voire un "petit gaspillage de l'innovation".

Et enfin, j'ai espoir que les cartes vont être rebattues entre l'importance relative de l'accompagnement face au financement. Je lis souvent des regrets que la France n'ait pas de Peter Thiel, ni d'Elon Musk, ni de Marc Andreessen, et comment peut-on faire face à la Paypal mafia ... Car oui c'est vrai les grands VCs jouent un rôle déterminant dans l'écosystème de la Silicon Valley. Peut-on tout de même faire triompher la #FrenchTech sans eux ? Il serait défaitiste de ne pas le croire, et illusoire d'espérer voir nos milliardaires à nous se transformer en Super-Niels. C'est là que le financement participatif vient nous apporter une flamme d'espérance. Car il propose ni plus ni moins que de remplacer cette poignée d'individus brillants voire géniaux par l'intelligence collective de la multitude. Et je crois que la question mérite d'être posée : le modèle piloté par l'argent d'abord est-il vraiment celui qu'il faut copier ? Ne peut-on pas anticiper un peu et "sauter" la génération VC pour passer directement aux pratiques du futur, celles qui laissent autant de place aux flux non-marchands qu'aux flux matériels ? Observons le modèle de The Family. Ils ont du mal à se définir eux-même dans la typologie classique : ce n'est pas un fonds (fournisseur de moyens financiers), ce n'est pas un incubateur (fournisseur de moyens matériels). Ce qu'ils mettent au premier plan, c'est la fourniture de "unfair advantages" : connaissance, confiance et émotions positives. Oui peut-être qu'un jour The Family hébergera des entrepreneurs, peut-être qu'ils lèveront des fonds un jour, mais peut-être aussi qu'ils développeront dans leur famille l'art de bien régler ses soucis financiers via le crowdfunding.

Le financement participatif est une belle chance qui nous est offerte de combler notre handicap en matière d'innovation à la frontière, en prenant de vitesse les autres nations dont les écosystèmes de Venture Capital sont ancrés dans des référentiels où l'argent prime.


Pour en savoir plus sur le dispositif, le site de Fleur Pellerin : Faire de la France le pays pionnier du financement participatif.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire