lundi 18 mai 2015

Un réseau social d'entreprise ? Mais oui, bien évidemment nous en avons un !

La transformation numérique passe bien sur par la mise en place d'un réseau social d'entreprise. Dans l'air du temps, qui oserait critiquer pareille initiative ! Pourtant, après quelques années d'efforts d'implémentation, êtes-vous fier de votre réseau social d'entreprise ? Qui passe plus de temps dessus que sur son email ? Je vous épargne la comparaison avec Facebook ... alors, qu'est-ce qui n'a pas marché ? Trop tôt ? Trop tard ? Mauvaise solution ? Mauvaise implémentation ? Mais honnêtement dites-moi : y avez-vous vraiment cru un jour ? Et d'ailleurs, quel résultat attendiez-vous ? Que tout le monde se mette à écrire des billets dignes d'une revue spécialisée de votre secteur quotidiennement ?


L'idée à abattre sur les RSE est de croire que c'est un nouveau mot pour désigner les logiciels de gestion de connaissance (Knowledge Management), où en plus l'on peut avoir des "amis" et liker des articles. Oui, c'est commode de se raccrocher à quelque chose qu'on connaît déjà, mais là, non, ça ne marche pas. On ne peut pas dire "Oh c'est un nouveau buzzword pour un truc qui existe depuis 20 ans".
Malheureusement, si vous avez regardé les comparatifs en ligne ou lu quelques articles, on vous parle de connectivité LDAP, de flux RSS et de fonctionalité microblogging. Bref, de la plomberie. Soyons clair :

Un réseau social est une infrastructure d'échange de flux non-marchands (confiance, sentiment, connaissance) entre individus.

  • Je donne de la confiance quand je like, je commente, je partage.
  • Je partage mes sentiments en m'exprimant librement, en utilisant des smileys, des phrases courtes et spontanées
  • Je partage mes connaissances facilement par petites bribes, de manière ouverte à toute l'entreprise, fréquemment, et de tous les sujets qui me plaisent (sans restriction éditoriale due à mon poste)
Et au travers de tous ces partages, s'installent :
  • des conversations qui nous connectent, nous rapprochent ;
  • de la transparence qui nous fait agir en pleine lumière, de façon responsable ;
  • de la coordination en temps réel qui nous permet de rester en harmonie avec les agissements des autres.
Ensemble, ils contribuent à créer des communautés d'individus soudées par affinité et valeurs communes, et non pas dans une logique métier rationalisée.

Donc comment choisir un bon réseau social d'entreprise ? Les facteurs de succès d'une plate-forme qui marche bien sont :
  • le nombre de nouvelles / jour qu'une personne peut assimiler. D'où l'importance du design de l'interface ;
  • la qualité de ces nouvelles. Attention il s'agit d'une qualité perçue donc subjective : le pourcentage d'employés qui reçoivent plus de 80% de choses qui les intéressent ;
  • l'impact sur le temps de travail productif. Un bon RSE se doit de prendre le moins de temps de travail efficace (les heures où vous êtes au calme devant votre bureau) et vous permettre de profiter des moments "masqués", les temps morts (déplacements par exemple, dans le train, dans l'ascenseur...) ;
  • la capacité à s'adapter aux modes de consommation du plus grand nombre en choisissant le bon format pour chacun.
Autrement dit un bon RSE c'est une plateforme qui sait collecter puis re-distribuer la bonne information à la bonne personne au bon endroit dans le bon format. Facile à dire, autre chose à faire ! Imaginez une société de 10 000 personnes où chacun produit disons 10 événements sur la plate-forme par jour (check-in, humeurs, commentaires, likes, photos, posts automatiques, réservations de ressources, planification de rencontres... ça va très vite !), cela fait 100 000 news par jour. Par expérience, un individu ayant une capacité d'absorption de l'ordre de 100 news/jours (100 mails /jour, 100 posts Facebook/jour...), cela signifie que l'algorithme doit trouver parmi les 100 000 news, les 0,1% les plus intéressantes pour vous. Si vous vous absentez une semaine, il faudra alors trouver les 100 parmi 500 000, soit 0,02% !

Comment s'y prend-il, cet algorithme ? Eh bien dans les grandes lignes :
  1. il part de vos informations de profil, que vous avez indiquées explicitement : votre équipe, vos centres d'intérêt, votre titre, vos "amis" désignés sur le réseau.
  2. il ajoute les informations implicites dont il dispose sur vous : votre position géographique, les personnes avec qui vous échangez le plus souvent, les noms qui sont dans votre carnet d'adresse, les messages que vous commentez le plus, que vous likez, que vous partagez ... tout cela forme un faisceau d'indices, de petits signaux faibles qui permettent, en les accumulant de se faire une bonne idée de vos centres d'intérêts, donc constituer votre alter ego virtuel, une sorte de "portrait-robot" représentant un modèle de vos pensées.
  3. enfin pour chaque nouvelle, chaque événement produit sur la plate-forme, l'algorithme procède à un "scoring", un test de proximité, pour déterminer si il va vous intéresser ou pas. Chaque jour, les 100 meilleurs scores finissent sur votre fil d'actualité. Si vous sautez un jour, le scoring recommence à zéro, avec une décote de pondération pour les informations de la veille, obsolescence oblige.
Le cas Facebook : cliquez l'image pour une explication plus détaillée de Edgerank.
Ca, c'est pour le principe. En pratique il semble que la mise en oeuvre requière de très très gros cerveaux (comme celui de Yann LeCun), ce qui me fait penser que, sans avoir effectué un comparatif poussé, très peu d'acteurs du secteur peuvent avoir une proposition sérieuse. J'invite tous ceux qui souhaitent installer un RSE à challenger leurs fournisseurs sur ce terrain, et non pas sur les fioritures de la feature list.

Et en attendant de vous équiper, ne faites pas croire à vos collègues que votre CMS avec un bouton 'like' est un RSE. C'est une illusion qui fait du tort à tout le monde. Je vous laisse méditer sur cette citation de Cory Doctorow :

"Conversation is King, Content is just something to talk about"

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