dimanche 14 juin 2015

La révolution industrielle vue par les 5 flux

Dans l'épisode précédent nous avons découvert les 5 flux, 2 marchands (matériel, financier) et 3 non-marchands (connaissance, sentiments, confiance), un cadre de référence pour les échanges entre individus. Nous allons maintenant explorer comment utiliser cet outil pour interpréter le monde qui nous entoure. Et pour commencer, un peu d'histoire...

Au début de l'ère industrielle, de nombreux inventeurs se pressaient auprès des détenteurs de capital pour leur faire acheter leurs machines à tisser, leurs moteurs à vapeur, et autres. Elles coutaient fort cher à l'achat, bien sur, peut-être 1000 francs-or, mais avec les gains de productivité, dans 3 ans, on s'y retrouve : une fois la machine remboursée, c'est une aubaine ! Le concept d'investissement, et de retour sur investissement, prend son envol.

Las, les investisseurs ne sont pas tranquilles. Les flux non marchands troublent leur sommeil. Car il faut les opérer, ces machines, c'est sale, c'est fatigant, il y a du bruit et des odeurs, et il faut s'y mettre à plusieurs. La solution évidente est d'embaucher un des paysans qui travaillent la terre, mais s'il est de mauvaise humeur, comment lui faire confiance ? S'il casse la machine dès la première semaine d'utilisation, ce sont 1000 francs-or qui partent en fumée ! Le pauvre hère ne pourra pas rembourser une telle somme, lui couper la tête ne changera rien à l'affaire...

C'est un certain Frederick Taylor qui viendra apporter la solution à ce problème : "La machine, nous allons la placer dans une grande maison" dit-il, "que nous allons construire spécialement pour cette occasion. Nous l'appelerons USINE. Et nous ferons la proposition suivante aux paysans : "Tu es ouvrier maintenant, et voici les règles du jeu : quand tu passes la porte de l'usine tu laisses les flux non marchands à la maison. Pas de Sentiments, ce n'est pas professionnel de pleurer au travail. Pas de Confiance, on va signer un contrat à la place, et pour les Connaissances, celles que nous t'apporteront tu feras semblant de ne pas les connaitre au dehors, comme si elles ne pouvaient pas sortir de ces murs."
Ainsi débarrassé des flux non marchands, l'action peut être planifiée, les hommes, se comportant comme des machines, sont faciles à remplacer. On sanctifie la comformité au processus, et on fait des écoles qui préparent la nouvelle génération à cette organisation scientifique du travail.
Ford arrive dans la foulée et met la dernière touche qui complète le système en permettant aux ouvriers de devenir consommateurs, et la boucle est bouclée, faisant au passage émerger ce mur entre vie personnelle et vie professionelle, entrainant les salariés dans la grande schizophrénie pro/perso.

Le système est tellement efficace que la productivité industrielle explose. Les usines se vident de leurs ouvriers, la maitrise des flux de matière et d'argent devient tellement sophistiquée que ça en est pathologique : les pommes chinoises coûtent moins cher au marché de Montmartre que les pommes d'Alsace, et le secteur financier en vient à s'effondrer sur lui-même par excès de sophistication.
Pendant ce temps, notre maitrise des flux non marchands évolue assez peu. Combien d'amis avait une personne de votre CSP, il y a 150 ans ? Surement pas 10 fois moins.
Le TV-Industrial complex de Seth Godin

Mais Internet vient bouleverser tout cela. Plus généralement, l'avènement du numérique, qui rend l'information liquide :
  • granulaire, elle voyage en toutes petites gouttes, en textes de 140 charactères ou de smiley d'un octet.
  • pervasive, elle se glisse quasiment sans frottements et travers les parois les plus épaisses
  • fluide, elle épouse la forme du récipient, le cerveau récepteur, en s'adaptant au format qui vous conviendra le mieux : texte court, long, image, vidéo..

Or l'information est un conteneur qui peut transporter des émotions, de la connaissance, ou de la confiance. Et la révolution numérique voit l'apparition d'énormes plateformes, des autoroutes de l'information qui deviennent une gigantesque infrastructures à faire transiter les flux non-marchands. A mesure qu'ils s'invitent dans les entreprises, le monde en devient plus transparent, perméable. Les salariés, exposés, se retrouvent en quête de sens, et les entreprises se doivent de répondre à ces aspirations.

La Transition numérique, c'est le retour des flux non-marchands dans l'entreprise
La Transition numérique, c'est l'effondrement de la schizophrénie vie pro / vie perso
(Et ce n'est pas une bonne nouvelle pour tout le monde ...)

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